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Jusqu'à la fin de l'année, nous allons suivre

huit élèves d'une terminale S 

du lycée Kastler à Denain. 

Deuxième rencontre et nouvelles confidences.

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Là, sur le trottoir d’en face, c’est sa bande de copains. Ils lui font des signes : « Pfff, ils vont encore me vanner. » Là, c’est le foyer de jeunes où il joue au baby-foot. Plus loin encore, le city-stade où vont l’attendre ces mêmes copains pour un match: « Juste après l’interview ! »


Clairement, Alexandre est chez lui à Abscon « même s’il n’y a pas grand-chose pour les jeunes ». Enfin tant qu’il peut faire du sport...: « C’est ma grande passion. » On en discute dans le seul petit café ouvert en ce lundi de vacances: « J’ai été privé de sport pendant quatre ans à cause d’une blessure. Du coup, dès que je peux en faire, je fonce ! » Tout ça dit avec un sourire de gamin, attachant et sincère: « N’écrivez plus carrure de sportif en parlant de moi, je vais encore me faire charrier par mes frères ! »


Spontanément, il enchaîne avec le lycée : « L’apparence y compte énormément, le physique est souvent le point faible. » Alexandre sait de quoi il parle: « J’ai forci quand j’ai arrêté le sport... » L’an dernier, pour une compétition de judo, il a perdu 17 kg en trois semaines: « Je n’aurais pas supporté d’entendre le mec m’appeler pour les plus de 100 kg, c’était pas jouable. » En écho à notre première rencontre, on lui parle club de judo et son regard vert clair s’obscurcit: « J’ai arrêté. Je dois travailler le samedi pour mon argent de poche, mes études... » Du coup, il s’est mis au mixed martial art : « J’aime bien. »


Il lui manque quand même la philosophie véhiculée par son prof de judo : « C’est un sport qui m’a calmé, il y a beaucoup de réflexion, de recul par rapport aux choses. » Avec ce bagage, il attendait d’ailleurs beaucoup de la philo en terminale : « Ben là, c’est le contraire, je comprends pas où le prof veut en venir. » Globalement, les cours se passent bien: « Je tourne autour de 12 et comme je connais le programme, je stresse pas trop. » Pour lui, les élèves de sa classe visent tous l’excellence: « L’an dernier, on s’amusait plus mais l’ambiance est bonne ! » Il part rejoindre ses copains du village, dont Dylan et Daniel, tous deux en bac pro à Kastler : « Alexandre? Il est très blagueur, très sympa... Bon, on le fait ce foot ? » Ils s’éloignent, déjà loin de nous.

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Il habite Lallaing mais nous a donné rendez-vous à Neuville-sur-Escaut, dans un parc où se trouve son banc favori : « J’ai passé 14 ans ici et ce parc c’est mon premier centre aéré, mes premiers tours à vélo, là où je suis sorti avec une fille... » Avec sa guitare en bandoulière, Enzo dégage, à 16 ans, une tranquillité amusée. Il vient de courir une heure avec son copain Geoffrey « pour se vider la tête » et enchaîne avec un morceau chanté devant nous sans hésitation: « Ce que les autres pensent.... Si on m’aime pas, on m’aime pas » En l’occurence, il est très apprécié dans sa classe - « un mec cool »- et si on le lui dit, il sourit: « Moi aussi j’aime beaucoup de monde ! »


Ces premiers mois ont été intenses, il a beaucoup travaillé : « Ces vacances sont les bienvenues même si j’aime bien bosser. A part l’Allemand, toutes les matières m’intéressent. Je vais essayer de bien m’y mettre ces jours-ci pour pouvoir en profiter la deuxième semaine de vacances. » Il n’a pas toujours eu cette discipline, cette volonté de toucher l’excellence, qui lui fait « péter un câble » s’il a moins de 15. « En seconde, j’ai eu un gros passage à vide, je ne faisais plus rien, je dormais plus... Grâce à mes amis, je me suis recontruit et depuis j’ai appris à travailler. »


Il écrit des poèmes aussi et des chansons : « Celle-ci, c’est pour une fille qui m’a fait mariner pendant un an sans jamais sortir avec moi. » Il la joue puis s’interroge. Sur tout: le sens de la vie, son futur métier (médecin?)... Le racisme et le profit à outrance le révoltent, la pollution l’inquiète: « Je me dis que pour mes enfants, ça va être dur... » Oui, il aimerait en avoir, il l’a toujours dit. La famille compte d’ailleurs beaucoup: « Après l’internat, c’est sympa de retrouver mes trois petits frètes, mes parents...» Diplômée en lettres, sa maman est femme au foyer, son père travaille en sous-traitance pour Gefco : «Si j’y arrive, je serai le premier de la famille à suivre

de longues études. Il ne me reste plus qu’à trouver

quoi faire ! »  

Vous demandez l’un(e), vous aurez les deux. Indissociables. Deux ans et dix bornes les séparent (elle habite Rœulx, lui Wavrechain-sous-Denain) mais c’est dans la même classe qu’ils se sont rencontrés. Cette première S où Emeline et Kevin ont affronté, en couple, l’épreuve de français du bac. Très bons résultats pour elle, moyens pour lui et la même motivation aujourd’hui: ne laisser aucune place à l’échec et arracher avec les honneurs cette terminale qui leur ouvrira – toujours aux deux – les portes de la médecine.

 

« Je ne connais pas mon numéro mais je connais très bien le sien. » Kevin, plus discret que sa muse – mais pas moins déterminé – est plus souvent chez Emeline que chez lui.« Contrairement à d’autres, on bosse plus à deux que quand on est seuls, ça nous entraîne. » Ça tombe bien: «Cette année est intense, surtout quand on veut des bonnes notes partout.» Emeline confirme : « En semaine, c’est rare que je regarde la télé le soir. » Peu importe, la jeune fille a l’habitude de ne pas démériter. D’ailleurs, elle ne semble (vraiment) pas se satisfaire de ce « moyen » 13,5 obtenu en Physique-Chimie. « C’est dans sa mentalité. Ces résultats, ce ne sont pas des facilités mais beaucoup de boulot », glisse une mère qui assure que son aînée a suffisamment de maturité pour absorber deux sauts de classes: « La grande section, c’est moi qui ai demandé. Mais le passage du CE2 au CM2, je ne m’y attendais pas… » Depuis, s’il n’y a « pas de difficulté », il y a ces décalages: un stage de troisième qu’elle n’a pu faire qu’à l’école alors qu’elle se voyait bien dans un labo ; un permis qu’elle devra encore attendre trois ans –

« heureusement, j’ai pu passer le code à 15 ans » ; l’impossibilité de prendre un appart’ si elle part étudier à Lille – « à moins que je l’émancipe », dixit maman… Emeline semble glisser sur ces « détails » : « Lorsqu’ils ont fait l’appel avec les dates de naissance, mes amis ne se souvenaient pas qu’on avait deux ans d’écart »,

sourit-elle. L’essentiel, finalement.

 

Les vacances ne dérogent pas à la règle, celle du boulot comme celle du duo. Emeline: « On va essayer de s’avancer cette semaine pour pouvoir sortir la prochaine, mes parents seront en congés. » En attendant, course à pied – à deux, bien sûr – parce que « la première des trois épreuves de sport est à la rentrée » et bachotage des cours d’histoire avec un bac blanc en vue. Mais aussi des visites à Angélique, cette meilleure pote depuis la maternelle. Ah oui, il y a le piano, également. Là encore, Emeline bosse des niveaux plus élevés que ce qu’elle devrait. Kevin sourit, en douce: « Même au piano… »

"« Si j'y arrive, je serai le premier de la famille à suivre de longues études. »

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"« Cette année est intense, surtout quand on veut des bonnes notes partout »

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« La première semaine est plus relax, je ne fais rien, la seconde je bosserai plus. » François, au calme de cette cuisine d’Escaudain qui vient d’être refaite, est serein. Voilà comment il semble aborder ces bacs blancs d’histoire et d’espagnol, à la rentrée.

 

C’est sûr, il y a eu ce raté en Physique-Chimie – « ce n’est pas mon fort, je me débrouille mieux en maths » – et cette épreuve de sport, bientôt, qui ne « l’intéresse pas ». Mais le jeune homme a fait « une simulation »: « Je sais sur quoi je gagnerai des points. » En sciences de la vie et de la terre (SVT), il en est convaincu : « Ça vient plus naturellement, il y a beaucoup plus de réflexion. »

Forcément, pour le jardinier de la maison (voire du quartier). C’est lui qui métamorphose, depuis trois ans, le jardin familial longtemps simple terrain de jeu partagé avec une sœur. « Le lundi de Pâques, je m’ennuyais, alors j’ai décidé de faire un bassin. » Comme ça. De coups de crayons en coups de pelles, tout un écosystème est né. François fait défiler les noms de plantes, évoque les cent bulbes qu’il a déjà plantés et sourit à l’évocation de ceux à venir. « Désormais, c’est plus de l’entretien, c’est moins la saison. »

 

Du coup, la passion envahie la maison: les frileuses plantes exotiques ont trouvé refuge à l’abri des briques, jusque dans la baignoire. « Des souvenirs », bananiers et cactus, glanés lors de voyages au Cap Vert, en Turquie, au Maroc… Des « terrains d’inspirations ».

« J’aime bien regarder ce qui pousse et je me dis que je suis capable de le faire. » François parle de cette formation d’architecte paysagiste qu’il envisage. Pour concrétiser des années passées plongé dans la déco et les plantes, de jeux en magazines. « Il y a une école à Genay et une à Versailles, mais ça ne me dérange pas de bouger. » Si ça ne marche pas ? « Pourquoi pas devenir infirmier en libéral. » Mais avant, il y aura le bac. Une simple étape, visiblement, pour un François – « élève moyen » – pas spécialement anxieux. « L’an prochain, je voulais aussi aller vivre en Espagne. Une année de repos pour me remettre du bac. » Corinne, mère souriante mais moins confiante, lève les yeux au ciel: « François, c’est un doux rêveur. Mais à 17 ans, c’est normal. »

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"« La Physique-Chimie ce n'est pas mon fort, je me débrouille mieux en maths »

« J’ai été privé de sport pendant quatre ans à cause d’une blessure. Du coup, dès que

je peux en faire, je fonce ! » 

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TEXTES

Sophie FILIPPI-PAOLI, Pierre ROUANET

 

PHOTOGRAPHIES

Didier CRASNAULT, Christophe LEFEBVRE

 

MISE EN PAGE

Quentin DESRUMAUX

 

REDACTION EN CHEF

Jean-Michel BRETONNIER

JADE

Grande amie d’Enzo - ils s’assoient toujours à côté- Jade excelle en tout :

« Ma pire note c’est 17 », avoue-t-elle si on la pousse. Son secret : l’or-ga-ni-sa-tion: « Je me fixe des horaires. » Passionnée de danse, visiblement bien dans sa peau, Jade rejoint l’avis d’Alexandre sur l’importance de l’apparence au lycée : « L’an dernier, je me suis fait une coloration au henné, j’avais de légers reflets acajou. Certains ont dit partout que j’avais les cheveux violets mais ça m’est passé au-dessus. » Depuis la rentrée, Jade a changé d’objectif : « Je vise une prépa littéraire plutôt que Sciences-Po finalement. Il y a tellement de possibilités... » Surtout pour elle. 

CHARLES

Toujours calme et réfléchi, Charles constate : « Il y a une forme de pression en terminale, on en entend parler depuis le collège, je suis content d’être en vacances ! » Oui, il a plus bossé cette année : « Avant, je retenais tout en cours, du coup à la maison c’était plus cool. Là, il y a des cours qu’on nous dicte, je dois donc les relire le soir pour les comprendre, ça prend du temps. » Il partage ses vacances entre ses devoirs, son ordi et, surtout, sa copine : « Elle est dans l’autre terminale S. On a hésité à demander la même classe mais on s’est dit qu’on rigolerait trop ! »

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